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« Celui qui veut rendre tout de suite ! » : Nasrullah

Arrivé à Paris en 2015 sans parler un mot de français, Nasrullah, afghan, est aujourd’hui demandeur d’asile et étudiant en droit à l’université de Créteil. Il est bénévole à France Terre d’asile (FTA) et membre du conseil d’administration de Français Langue d’Accueil (FLA). Après avoir obtenu le bac et réussi le concours d’entrée à l’université, Nassrullah a étudié les sciences politiques pendant plusieurs années avant de devoir fuir son pays pour des raisons politiques. Il y avait travaillé dans plusieurs associations.

D’abord la langue

Ses empreintes ayant été enregistrées en Hongrie, il sest trouvé « dubliné ». Il est arrivé en France en août 2015. Il ne parlait pas le français et connaissait une seule personne à Paris qui nétait pas présente dans la capitale à ce moment-là. Il a dormi pendant six mois au bord du canal Saint-Martin. Il a déposé une demande dasile en mars 2016.

« D’abord la langue » est sa devise.

Un ami afghan qui suit des cours de français à Français Langue d’Accueil (FLA) lui parle de cette association, située dans le 10ème arrondissement parisien. Il sy rend, mais les cours sont complets. Il ne se décourage pas et revient régulièrement sonner à la porte. Six ou sept fois. Au bout de six mois il est enfin accepté. Il fait ses devoirs sur un carton, dans la rue. Un jour, alors quil rentre dun cours, une mauvaise surprise lattend : il ny a plus personne au bord du canal. Ses compagnons dinfortune ont disparu. Il apprendra un peu plus tard quils ont été évacués et logés dans un hôtel. Pendant trois semaines, il dort seul. Puis change dendroit. Cest une sortie de métro désaffectée, en banlieue, qui lhéberge avec une quarantaine de réfugiés, tous des hommes, afghans et soudanais. Il y reste quatre mois.

Pendant ce temps, à raison de cinq cours de deux heures par semaine, il obtient au bout dun semestre le niveau A2 quil est content de réussir (on commence en A1 puis on obtient le niveau A2 puis B1, considéré comme français courant. A FLA, les cours permettent datteindre le niveau B1. On trouve ensuite les niveaux B2, C1 et C2, maîtrise de la langue).

Il poursuit à raison de trois cours par semaine complétés par des ateliers de conversation, décriture et de chorale. En six mois il obtient le niveau B1.

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Un programme pour reprendre des études

Nassrullah souhaite ensuite reprendre ses études, en droit cette fois. Aidé par le président de FLA, il intègre le programme « Passerelle vers l’université » de Créteil, destiné aux réfugiés qui, comme lui, souhaitent entreprendre ou reprendre des études. Pendant deux semestres il suit, dans ce cadre, des cours de français, un cours sur le droit dasile et un atelier de journalisme pour apprendre à parler en public. Parallèlement il suit, en auditeur libre, deux cours de droit pour se familiariser avec le langage juridique, mieux connaître la fac et rencontrer des étudiants français. Il obtient le niveau C1. Après avoir réussi un examen, il démarre enfin sa première année de droit en septembre 2018. Ouf !

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Le bénévolat tout de suite

Dès quil a pu commencer à apprendre notre langue, Nassrullah na eu de cesse de partager ses premiers mots, ses premières bribes avec ses compatriotes.

Alors quil dormait encore dehors, il se rendait, après ses cours, dans trois foyers, à Paris, Villejuif et La Courneuve. Dans les chambres ou dans le salon, sil était libre, il partageait son nouveau savoir. Et ce, pendant trois ou quatre mois. Il a ensuite décidé de devenir bénévole à Français Langue d’accueil. En tant que traducteur, il faisait linterface entre les jeunes Afghans et lassociation et accompagnait les sorties culturelles aux côtés de bénévoles français. « Ces sorties permettent de mieux connaître Paris et la culture française, explique-t-il. Nous avons ainsi visité le musée du Louvre, le Jardin du Luxembourg, le Jardin des Plantes, le château de Versailles. » Il a également animé les ateliers football et piscine.

On lui a ensuite proposé de devenir membre du conseil d’administration (CA) de FLA, ce quil a volontiers accepté. Ce CA compte une vingtaine de membres dont cinq réfugiés.

Aujourdhui, Nassrullah a trouvé des remplaçants pour les deux ateliers quil animait. Il est toujours membre du CA de FLA et bénévole à France Terre dAsile (FTA). Il y est interprète et juriste un ou deux jours par semaine, recevant les réfugiés dublinés et ceux qui reçoivent une réponse négative à leur demande dasile.

Il ne dort plus dans la rue, mais chez une bénévole de FLA qui a souhaité ouvrir sa porte à un réfugié dans son cas. « Depuis, je ne me sens plus étranger, je me sens comme dans mon pays, en famille. »

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Sortir du chaos

En décembre 2018, Nassrullah a reçu un Passeport Bénévole® des mains de la maire du 10ème arrondissement lors dune soirée organisée par France Bénévolat. « Jai beaucoup aimé cette cérémonie qui était multiculturelle. Cela ma fait un grand plaisir de recevoir ce Passeport Bénévole. Cela montre que la France a confiance en nous. »

Ce que le bénévolat lui a apporté ? « Jai acquis des expériences personnelles. Grâce à mon engagement au CA de FLA et à FTA, je connais bien les institutions françaises. Cela mapporte des bonheurs. Je me sens engagé en tant que citoyen. Je suis content de partager mes temps libres avec les autres. Etant moi-même dans cette situation, je sais ce que cest dêtre un réfugié et aussi un demandeur dasile. Si on ne connaît pas la langue, si on ne connaît pas bien la loi, les règlements et la culture, on est dans le chaos. Je vois des réfugiés qui sont ici depuis cinq, huit ou dix ans. Ils ne parlent pas le français, ils vivent toujours dans la rue, dans une grande pauvreté. »

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Réactions et commentaires

Joël

Ce qui est remarquable chez Nasrullah, c’est de savoir passer au fur et à mesure de l’apprentissage d’abord de la langue puis des études à l’entraide de ses compatriotes puis au bénévolat dans des associations.

Sa persévérance à gravir les qualifications dans ses études montre le chemin possible et constitue un exemple pour les expatriés volontaires mais aussi pour les réfugiés immigrés forcés par les conditions de vie de leur pays.

 

Catherine

Ce qui est remarquable dans le parcours de Nasrullah, c’est non seulement son opiniâtreté à franchir les difficultés de la langue et des études pour réaliser un parcours exceptionnel, mais c’est également son évidente compréhension du don associatif : ceux qui donnent et ceux qui rendent.

 

Alain Lehébel, président de L’Outil en Main

A la lecture du témoignage de Nasrullah, je me rends compte de l’importance des associations sur le territoire et plus particulièrement de ces structures à caractère social qui viennent en aide à tous ceux qui en ont besoin. Leur action leur redonne confiance et leur procure les outils nécessaires à la réussite de leur projet.

Cela démontre que le rôle des bénévoles dans les associations va bien au-delà de l’objet initial de l’association. Tout cela me conforte dans l’idée de se rassembler pour agir au plus près des besoins sur tout le territoire. Cette solidarité clairement exprimée par les acteurs associatifs permettra certainement de repartir plus facilement après la crise actuelle en appuyant, voire en influençant, les actions des collectivités publiques.

Enfin, les propos de Nasrullah évoquant le désir de « rendre ce qu’il a reçu » démontrent que les bénéficiaires des actions associatives seront nos meilleurs ambassadeurs pour continuer à agir sur ce terrain.

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