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« Aider et être aidé » : Amadou

Demandeur d'asile depuis juin 2016, Guinéen, Amadou a rempli avec succès plusieurs missions bénévoles, notamment aux Papillons blancs de Paris. Il y a acquis de l’expérience, noué des liens solides et appris à connaître Paris.

 

Amadou est arrivé à Paris en mai 2016, via la Gare de Lyon. Il ne connaissait personne. Il a demandé à un jeune Africain de lui indiquer une association susceptible de l’aider à déposer une demande d’asile. Son interlocuteur ne savait pas, mais lui a conseillé d’aller voir Emmaüs à Créteil. Il lui a dit de descendre les escalators et de prendre le RER D. Pas facile quand on ne connaît pas les transports parisiens. Mais de fil en aiguille, de RER en bus, Amadou a trouvé Emmaüs. Il a pu se laver, prendre un repas et trouver des personnes dans la même situation qui l’ont mis en contact avec France Terre d’Asile. Etape par étape, cette association l’a aidé à déposer une demande d’asile en juin 2016. Amadou a dormi parfois dehors, parfois dans un foyer quand le 115 avait de la place.

L’hiver venu, en novembre, le 115 lui a trouvé une place dans un centre d’hébergement d’urgence à Villiers sur Marne (94).

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Donner un coup de main aux autres

Dès octobre, une fois obtenue la réduction tarifaire des transports, Amadou s’est mis en quête de bénévolat. « Je ne pouvais pas travailler et je ne voulais pas rester toute la journée sans rien faire. Je voulais être actif et donner un coup de main à d’autres personnes. » Sur Internet il a repéré France Bénévolat et pris rendez-vous. France Bénévolat lui a indiqué deux associations, Les Auxiliaires des Aveugles et Les Papillons blancs de Paris (voir encadré).

En novembre, Amadou s’est engagé dans ces deux structures. Dans la première, il a, deux fois par semaine, aidé des aveugles dans leur vie quotidienne, par exemple à faire leurs courses ou lire leur courrier. Aux Papillons blancs de Paris, il a commencé par une première mission : amener à l’école Jérémie, un jeune trisomique de13 ans, une fois par semaine. « Jérémie est un gamin intelligent qui s’intéresse à beaucoup de choses, explique Amadou. Au début j’ai joué au foot et rigolé avec lui pour faire tomber les barrières. Ça a bien marché. Nous sommes devenus copains. »

Amadou a demandé aux Papillons blancs une deuxième mission. Il a ainsi accompagné, une fois par semaine, Laurence, une jeune adulte handicapée mentale, du cabinet de l’orthophoniste au club de judo. « Le but est de les rendre plus autonomes, je les aidais à se repérer dans la ville et leur expliquais bien les trajets. » Pour Bérangère Grisoni, responsable du bénévolat aux Papillons blancs de Paris, « ces deux missions se sont superbement bien passées ».

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Départ pour Manosque

En mars 2017, Amadou a été transféré au Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile) de Manosque (Alpes de Haute-Provence). « Quitter Paris où il avait su trouver les ressources nécessaires pour développer du lien et un réseau n’a pas été simple », explique Bérangère Grisoni qui est restée en contact avec Amadou. « Il a tenu bon. Amadou a eu une véritable conscience bénévole. Il n’a pas voulu mettre fin à ses missions sans être sûr qu’un bénévole prenne le relais. Il a pressenti un ami et lui a demandé de me contacter ! Amadou a été un excellent recruteur, il a su trouver le bon bénévole ! ». Celui-ci, Saliou, Guinéen et demandeur d’asile comme Amadou, a pris le relais jusqu’en décembre 2017, date à laquelle il a reçu une réponse positive à sa demande et a démarré une formation.

Si Amadou a beaucoup apporté aux personnes qu’il a accompagnées, le bénévolat lui a aussi beaucoup apporté. « Cela m'a donné de l’expérience, j’ai eu des responsabilités, j’ai fait quelque chose de bien, je l’ai fait à l’heure. Cela m’a aussi beaucoup aidé à bien connaître Paris et à rencontrer des gens. J’ai gardé des liens avec Bérangère, avec Jérémie, avec ses parents qui sont venus me rendre visite à Manosque. J’échange aussi des mails avec la maman de Laurence. »

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Le statut, enfin

Amadou a obtenu le statut de réfugié en mars 2018. Il a demandé à revenir à Paris pour y suivre une formation en informatique. En attendant, il s’est adressé aux Restos du Cœur où il distribue des produits alimentaires de 8h à 10h, deux fois par semaine. Il a rejoint l’équipe de football locale où il suit trois entraînements et joue un match par semaine. « Ce sont surtout des personnes âgées qui font du bénévolat, c’est dommage, regrette-t-il. J’aimerais qu’il y ait plus de jeunes, qu’ils pensent plus aux autres. C’est trop bien de faire du bénévolat, cela ne prend pas beaucoup de temps et on fait quelque chose de bien ! ».

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Les Papillons blancs

Les Papillons blancs de Paris accompagnent des personnes handicapées mentales et leurs familles. Chaque année, ils sont aidés par 200 bénévoles. Certains y consacrent 15 heures par semaine, d’autres deux après-midis par an. Tous doivent être francophones. Vingt d’entre eux sont en situation de handicap et cinq sont des migrants.

Chaque bénévole est accompagné à ses débuts par un parrain.

Leurs missions : accompagner des personnes handicapées mentales dans leurs trajets tout en créant un lien avec elles ; seconder les animateurs d’ateliers (ateliers cuisine, couture, informatique, slam, shiatsu, etc).

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Réactions et commentaires

Christine

« Générosité, sensibilité, ce sont deux des nombreuses qualités qui caractérisent Amadou. Il n’a pas choisi la facilité, Amadou : guider de jeunes aveugles et handicapés à travers Paris quand on arrive de Guinée ! La suite de son parcours à Manosque est également une belle histoire humaine tournée vers les autres. Encore un bel exemple du programme Migrants de France Bénévolat. »

 

Anne-Marie

« Extraordinaire parcours qui dénote une volonté absolue de s’insérer dans la société française sur tous ces registres : professionnel, social et citoyen.

En lisant le parcours d’Amadou, on ne peut qu’être modeste quand on est né avec une cuillère d’argent dans la bouche. S’il a eu de belles rencontres de personnes qui l’ont aidé, il a su les provoquer. »

Thierry Calvat, co-fondateur du Cercle Vulnérabilités & Société

« L’engagement m’a sauvé. C’est ce que semble nous dire Amadou dans ce témoignage émouvant où, pourtant fragilisé par sa situation de migrant, il n’hésite pas à se faire le proche de celui qui en a besoin. Cette dynamique d’altérité procède d’une forme de décentrement qui l’aide à mieux vivre sa propre condition précaire autant que d’une responsabilité qui l’oblige à avancer par solidarité vis-à-vis d’un tiers. L’engagement d’Amadou est un moteur puissant tout au long de son parcours. Il le conduit à bien plus qu’un statut de réfugié, celui de citoyen impliqué à part entière. »

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