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“La résiliente” : Sandrine

Arrivée en France en 2005 dans une grande précarité, Sandrine est aujourd'hui cadre dans une grande banque. Après avoir bénéficié de l'aide d'associations, elle a aidé de façon informelle des voisines, puis les fils de ces dernières. Son projet : créer une structure dédiée à l'insertion des jeunes éloignés de l'emploi.

 

À la suite d’un conflit familial, Sandrine quitte le Cameroun en 2005. Elle a 22 ans et 160 euros en poche lorsqu'elle débarque dans une gare parisienne. La personne qui devait l'accueillir, la fille d’une amie d'une voisine, n'est pas là et elle n'a pas d'autre contact. Elle aborde plusieurs personnes, dont une famille camerounaise qui accepte de l'héberger pour la nuit. De fil en aiguille, elle rencontre d'autres Camerounais qui l’hébergent, puis une famille qui l'emploie comme jeune fille au pair. En échange de ménage et de cuisine, elle dispose d'une chambre dans une grande maison, en Seine-Saint-Denis. Elle est par la suite accueillie par une autre famille pour y garder les enfants. La famille partira quelques mois plus tard au Cameroun et Sandrine se retrouve alors sans revenu.

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Reprise d'études

Elle s'inscrit à la Mission Locale du Blanc-Mesnil et décroche un contrat de professionnalisation d’hôtesse de caisse à Carrefour. A l'issu de ce contrat, Carrefour l'embauche en CDI, ce qui lui permet de trouver un logement dans la Cité où elle habite encore aujourd'hui. Avec trois enfants, deux autres personnes à charge, elle a du mal à joindre les deux bouts. Encouragée par sa mère et par certains clients, elle décide de reprendre des études et obtient un congé formation pour préparer le BTS Négociation et Relation Client. « Avec trois enfants cela a été très dur au départ. Cela faisait treize ans, depuis mon bac obtenu au Cameroun, que je n'avais pas remis les pieds à l'école. » Elle effectue un stage de neuf semaines chez Axa Assurance et sort major de sa promotion. Ses enseignants l'encouragent à poursuivre en licence pro ; elle signe un contrat de professionnalisation avec la Société Générale et décroche le diplôme avec mention. Toujours avec cette banque, elle prépare un master 1 puis un master 2 qu'elle obtient avec mention bien en juillet 2019. Elle est alors embauchée en CDI, avec le statut cadre, comme conseillère clientèle des professionnels.

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Usagère puis bénévole

Quand elle était dans la galère, Sandrine a été bien aidée par plusieurs associations : Restos du Cœur, Secours Catholique, Secours Populaire. Elles lui ont fourni des vêtements, de la nourriture, des chèques déjeuner et des couches pour les enfants. Elle a également été accompagnée et soutenue. Petit à petit, les choses se sont arrangées. Les clients de Carrefour qui ne la voyaient plus à la caisse, ainsi que les bénéficiaires d'associations qui l'avaient côtoyée lui demandaient, quand ils la rencontraient, ce qu'elle devenait. Ils étaient intrigués et admiratifs quand elle leur racontait qu'elle suivait une formation diplômante alors qu'elle avait trois enfants en bas âge et des problèmes familiaux. Quand elle a intégré la Société Générale, les gens lui demandaient si elle y faisait le ménage ou l'accueil. Et non, elle préparait une licence en étant conseillère clientèle ! Elle a alors commencé à aider des gens de façon informelle. Elle a aidé des voisines dans leurs démarches administratives, les a orientées dans le monde du travail, puis s'est occupée du fils d'une d'elles qui avait quitté l'école en classe de cinquième. « Petit à petit, j'ai pu parler avec lui. Le vrai déclic, c'est quand je lui ai raconté mon histoire. C'est très long de les convaincre de retourner à l'école. Cela a pris un an, nous avons cherché ensemble une école et une entreprise et il prépare maintenant un CAP de mécanique. »

Encouragée par ce succès, Sandrine s'est rendu compte que « parler de (son) histoire changeait tout. » Un autre exemple : Selou, envoyé à Sandrine par une association. Il se sentait bon à rien et n'avait aucun projet. « Il a été impressionné par mon parcours et par le fait que j'étais bénévole. »  Ensemble ils ont construit un projet de CAP qu'elle suit de près. Il a ensuite fallu convaincre la maman qui aurait préféré un intérim, plus rémunérateur.

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Une structure pour l'insertion des jeunes

Sandrine passe à la vitesse supérieure. Elle souhaite créer une structure « Hope for you » qui travaille avec les associations et les entreprises à l'insertion de jeunes éloignés de l'emploi. « La plupart des gens ont peur d'eux, explique-t-elle. Je me propose d'aller les chercher dans les cités, de les motiver et de construire avec eux des projets professionnels. Je souhaite intervenir dans les collèges pour limiter le décrochage scolaire. Et dans les entreprises, je voudrais sensibiliser les services Ressources Humaines et les managers à l'intérêt de recruter ces profils. ».

Sandrine a présenté ce projet à un concours organisé par la Fondation Innovation pour les apprentissages qui réunit une douzaine de grandes entreprises, dont la Société Générale. Ces entreprises ont proposé à leurs alternants de participer à ce concours baptisé Altern'up. Sandrine est l'une des six candidats de la SG, elle est l'une des trois retenus en demi-finale puis la finale. Ce concours l'a poussée à rencontrer de nombreux acteurs sociaux, dont France Bénévolat, pour peaufiner son projet. Elle est aussi devenue marraine dans une Mission Locale.

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Redonner espoir

« Je suis immigrée, j'ai été sans papiers, j'ai traversé beaucoup de périodes difficiles, très difficiles. Encore caissière à mi-temps il y a 4 ans, je travaille aujourd'hui avec me statut cadre dans une banque, ce qui me paraissait inaccessible. Rencontrer une personne comme moi il y a des années m'aurait encouragée.

C'est un devoir pour moi aujourd'hui, de partager mon histoire et mon parcours afin d'aider ces personnes de plus en plus nombreuses dans le besoin, notamment dans les quartiers prioritaires. Elles ont perdu l'espoir en l'avenir mais je suis convaincue que quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, on peut en sortir à force de persévérance et d'espérance. Comme l'a dit Nelson Mandela : "Nous travaillerons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur... et redonner espoir là où règne le désespoir." »

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Quelques enseignements tirés du parcours de Sandrine

Dominique

C’est difficile de prendre du recul par rapport au parcours de vie de Sandrine, tellement il est hors norme et émouvant.

Si nous avons nommé Sandrine « la résiliente », c’est parce que c’est le premier mot qui vient spontanément à l’esprit. Qu’est ce qui fait que Sandrine a pu autant rebondir ? Certes des rencontres : compatriotes, associations, employeurs, … Mais cette explication est insuffisante : elle a su saisir ces opportunités à tout moment (le fait que d’anciens clients de Carrefour s’inquiètent d’elle n’est pas banal…ça veut dire que son charisme n’est pas banal !)

L’autre grand enseignement est évidemment le besoin immédiat de solidarité en retour, pas sur des discours, pour des « gens » : d’abord de son immeuble, puis de la Cité, puis dans un projet global qui se construit, ambitieux et difficile. C’est la raison pour laquelle France Bénévolat a décidé de l’accompagner et de l’aider.

 

Joel

Effectivement ce qui caractérise le portrait de Sandrine est sa capacité à rebondir face à des :

  • Situations de déracinement,
  • Nouveaux métiers
  • Nouvelles formations où elle excelle

Sa volonté d’aider les jeunes dans sa cité au-delà de son travail professionnel de cadre avec des responsabilités vis-à-vis de petits commerces et artisans locaux est remarquable en plus de sa vie familiale avec trois enfants. C’est son caractère fort et son charisme, comme le souligne Dominique Thierry, alliée d'un bon sens de l’organisation qui lui permet de vivre des journées bien remplies sur plusieurs champs totalement différents. Sandrine est un exemple pour les jeunes qui peuvent constater que l’on peut évoluer et changer radicalement d’orientation et également pour les femmes souvent en proie à exercer plusieurs vies dans une même journée. Ce n’est un hasard que Sandrine ait sollicitée France bénévolat car pour progresser il faut savoir frapper aux bonnes portes.

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